November 28, 2009

Mémoires de ma première conférence annuelle de l’ATA

de Manon King

Je redoutais un peu la conférence annuelle de l’ATA vantée depuis plusieurs mois dans la revue de l’association, The ATA Chronicle, qui promettait une participation de plus de 2 000 personnes, une perspective un peu intimidante pour une néophyte. Mais mon inquiétude a vite fondu au soleil de l’ATA !  L’arrivée au Marriott Marquis, l’hôtel de la conférence, après avoir fendu les flots humains sur Time Square m’a donné l’impression d’être en partance, avec toute une cohorte de touristes internationaux enthousiastes, pour une croisière en paquebot de luxe. Puis l’assistance souriante d’une volontaire à l’enregistrement, le programme bariolé des festivités, l’activité bourdonnante des anciens se retrouvant avec joie, les échanges spontanés avec d’autres conférenciers dans les ascenseurs futuristes, et la réception de bienvenue pleine à craquer m’ont rassurée : cette aventure allait être bien intéressante. Et comble de chance, ma chambre au 29ième étage avait une vue directe sur Times Square et ses panneaux publicitaires que j’ai bien entendu immédiatement (et sans grand succès à vrai dire) pris en photo avec mon portable pour impressionner mes enfants.


Le lendemain matin, je me suis rendue compte que la conférence de l’ATA a également des objectifs sérieux de rencontres et approfondissement pour linguistes professionnels de toute mouture. La journée a commencé avec un petit déjeuner fort apprécié et une réunion plénière bondée. Puis les participants se sont éparpillés parmi des dizaines de présentations spécialisées réparties dans un labyrinthe à multiple étages, soit pour tester le QI des conférenciers, soit pour nous faire faire un peu de sport d’autorité puisqu’il était évident que personne n’aurait le temps d’utiliser la salle de gym !

Sur les conseils d’Anne Vincent, j’ai assisté au séminaire destiné aux nouveaux conférenciers, bien utile pour comprendre les diverses pastilles de couleur, codes de présentation et autres subtilités si évidentes pour les anciens. La salle était pleine à craquer, de multiples questions ont fusé, les animatrices de la présentation ont gentiment calmé nos nerfs et surtout, j’ai compris qu’il fallait religieusement remplir la fiche rose de commentaires après chaque présentation pour peut-être gagner un prix ! En tant que novice de l’ATA, je me suis rendue ensuite à la séance sur la préparation de la fameuse certification ATA qui s’est avérée plus tendue que la première car 160 candidats s’apprêtaient à passer l’examen à la fin de la conférence et étaient visiblement nerveux. Les animateurs ont offerts des conseils précis, pratiques et utiles qui n’ont peut-être pas calmés les esprits fébriles mais ont clairement expliqué à quoi les candidats pouvaient s’attendre. La rigueur du processus de certification m’a impressionnée et encouragée à tenter l’examen, bien que le taux de réussite de 20 % soit un peu décourageant !

J’ai eu un peu de mal à choisir à quels autres séminaires assister, il y en a tellement, mais j’ai fini par opter entre autres pour ceux de la division française (sur les slogans de François Lavallée, toujours passionnant et instructif ; et sur la recherche dans le domaine juridique de Frédéric Houbert pleins d’astuces utiles) et pour les sketchs désopilants de Leah Ruggieri-Ortiz et Joe McClinton, sur les mille façons dont les traducteurs et chefs de projet se font mutuellement grimper au mur. Et bien entendu, je me suis rendue dans la salle de stands pour y déposer une pile de CV et de cartes de visite, y rencontrer mes futurs clients et évaluer les nouveaux logiciels de traduction.

Je me suis vite rendue compte que l’un des mérites principaux de la conférence est qu’elle permet aux membres de l’ATA de se rencontrer et de discuter de façon informelle dans les couloirs entre les séminaires ou autour d’une tasse de café, le fameux « networking », si difficile à traduire dans notre langue cartésienne ! J’ai ainsi pu finalement mettre un visage sur l’adresse Internet de plusieurs clients et rencontrer toute une myriade de traducteurs, interprètes, représentants d’agence travaillant dans différentes langues, domaines, voire continents avec lesquels j’ai pu partager des anecdotes ou conseils.

Je n’ai pas pris part aux séances de « speed networking », trop stressantes et artificielles à mon goût. J’ai eu la chance qu’Anne me présente à de nombreux nouveaux clients potentiels, mais plusieurs traducteurs et agents se sont plaints d’avoir du mal à rencontrer qui des clients, qui des prestataires.

J’ai, à ma grande joie, joué le rôle d’entremetteuse dans plusieurs cas mais il semblerait opportun d’organiser un système plus transparent, comme par exemple des « tables de rencontre » avec des agents d’un côté et des prestataires de l’autre.

Les soirées à New York ne sont jamais ennuyeuses, mais la plus mémorable a été le dîner de groupe de la division française à La Bonne Soupe. Quelle excellente idée, merci Anne ! Ce fut une façon fort agréable, délicieuse et détendue de rencontrer de nouveaux collègues. François Lavallée a couronné la soirée en déclamant, à notre insistance, plusieurs de ses poèmes en alexandrins dont le fameux Cheval Vert (en français puis en « québécois ») qui ont fait rire le restaurant tout entier.

Pour conclure, ma première « croisière » à bord de la conférence annuelle de l’ATA a été un succès retentissant. J’en garderai un excellent souvenir personnel et professionnel et compte fermement en faire une tradition annuelle comme de nombreux autres participants. L’enthousiasme, la passion et la gentillesse de mes collègues lors de la conférence continuent de m’inspirer pendant ces longues heures passées en tête à tête avec mon ordinateur tous les jours : j’ai finalement trouvé bon port !
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November 21, 2009

Ma première conférence (28-31 octobre 2009)

de Catherine Stevenson (cathstevenson@comcast.net)

Cette année, la conférence annuelle de l’ATA se déroule à New York, au sein du prestigieux Marriott Marquis, à deux pas de Times Square.

Jeudi

Le premier jour, j’arrive le cœur battant, curieuse et impatiente de découvrir ce que tous ces traducteurs et interprètes ont à dire sur l’état de notre profession, ses tendances, ses nouveautés.

Première découverte : les petits autocollants ronds et colorés indiquant les langues de travail. Tout un chacun essaie de deviner quelle langue se cache derrière le bleu foncé ou le vert clair. D’aucuns arborent pas moins de trois ou quatre autocollants tandis que d’autres, plus modestes ou moins savants, c’est selon, portent un seul autocollant, voire deux. Autre découverte : les happy few ayant décroché leur certification marchent d’un pas assuré, bombant un torse annonçant fièrement, non sans raison, qu’ils sont ‘CERTIFIES’. D’après ce que j’ai entendu dire, cette distinction est d’autant plus méritoire qu’elle n’est octroyée qu’à un candidat sur cinq, lors de chaque session d’examen.

Arrivée en retard à la session d’orientation réservée aux « nouveaux », dont je suis, je décide d’aller faire un tour au cinquième étage, où sont regroupés les agences de traduction, vendeurs de logiciels et autres entreprises en mal de recrutement. Je dégaine mes cartes de visite, échange quelques mots par-ci, quelques politesses par-là et je passe en revue tous les stands. Les agences me demandent de me connecter à leur site et de leur donner mes spécialités et mes tarifs, sésames indispensables à toute future collaboration.

L’après-midi, je me rends à ma toute première session, intitulée « How to successfully market yourself to translation companies » et présentée par George Rimalower. Son exposé est bien construit et logique et il offre une mine de conseils pratiques et judicieux sur la manière de rédiger son CV, le mode d’approche à respecter pour se faire remarquer par les agences et les règles de conduite à suivre pour être le parfait petit traducteur indépendant. J’en ressors avec le sentiment apaisant d’avoir appris quelque chose d’utile.

Autour de 19 heures, je vais à une session de « networking » pour le moins décevante. Comment expliquer en effet que des personnes ayant payé 45 dollars pour circuler entre les groupes, distribuer leur carte de visite et élargir leur réseau professionnel s’évertuent à faire exactement le contraire ? Je passe sur la malencontreuse pénurie de nourriture qui, bien que regrettable, n’explique pas, à elle seule, l’échec de cette session. 

Vendredi

Le lendemain, je vais écouter l’exposé de François Lavallée clamant avec ferveur : « Les slogans, j’en fais mon affaire ! ». Je suis emballée par le fait que cette session est en français et espère passer un bon moment… A l’issue de cette session, je suis conquise par l’analyse convaincante que nous expose cet orateur brillant sur la manière de produire des slogans en français et en anglais. Assurément, il a fort bien articulé ses arguments, les a assortis d’une kyrielle d’exemples bien choisis, sans pour autant oublier de parsemer ses propos de notes d’humour qui captent notre attention et la retiennent jusqu’au bout. Bravo, Monsieur Lavallée !

Après le déjeuner, je décide d’aller écouter Jutta Diel-Dominique, dont la session consiste en une séance de questions-réponses sur la préparation du tant redouté examen de certification de l’ATA. Elle est accompagnée d’un autre responsable de l’ATA dont le nom n’est malheureusement pas mentionné sur le programme. Cette session, dont l’intitulé exact est : « Preparing to take the ATA Certification Exam : Questions and Answers », est fort bienvenue et attire les foules. Madame Diel-Dominique répond aux questions avec aplomb, sérieux, diplomatie et finesse. Je ressors néanmoins sans avoir vraiment rien appris d’essentiel, malgré la qualité des réponses. En revanche, je suis particulièrement surprise, pour ne pas dire déçue, par une bonne majorité des questions posées. Leur nature me donne à penser que les candidats potentiels qui les soulèvent ne sont pas prêts à passer l’examen. J’ai l’impression qu’ils découvrent ce qu’est la traduction. A cet égard, je ressens une vive admiration envers Madame Diel-Dominique, dont le visage reste serein et posé en toutes circonstances.

Je descends ensuite au 6ème étage pour suivre l’exposé de Monsieur Jorge U. Ungo, dont la session porte le titre suivant : « Accentuate the positive : Making your résumé sing ». Monsieur Ungo est dynamique, passionné, intéressant. Il sait capter l’attention et ses exemples sont parlants et convaincants. Certains des conseils qu’il nous donne sont en contradiction avec l’exposé que j’avais suivi jeudi, ce qui me fait penser que la rédaction d’un CV n’est pas entièrement dénuée de subjectivité, mais dans l’ensemble, les recommandations vont dans le même sens et renforcent l’idée de clarté, de professionnalisme et de logique. Cet exposé est vivant et interactif et la volubilité de Monsieur Ungo nous remplit d’enthousiasme et d’énergie.

Je décide de « sécher » la séance de « networking », tant celle de la veille m’avait déçue ! New York by night, here I come !

Samedi

Ce matin est consacré à la réunion annuelle du département français. La salle est comble. Les conversations fusent. Tout le monde échange ses impressions sur la conférence. Madame Virginia Fox nous livre des informations à la pelle et nous parle des problèmes spécifiques à notre groupe. Elle lance un appel aux bonnes volontés pour prendre la relève du département français, qui manque cruellement de bras ou plutôt de plumes.

Avant de dire au revoir à l’insomniaque Big Apple, je me rends à une dernière session intitulée « Leave it to the Pros : Translation project management as a profession ». Dire que cette session me hérisse est un euphémisme : Corlett-Rivera, Mazza, Polakoff et Ritzdorf nous expliquent sans rire que de nos jours, la qualité des traductions importe peu, crise oblige. La mode est aux tarifs bas et pour s’en convaincre, il suffit de les écouter nous prédire que les agences de traduction, qui délocalisent déjà à tour de bras vers la Chine et l’Inde, n’ont pas fini d’abaisser leurs tarifs. Je repars déçue par les propos que je viens d’entendre et je m’en retourne vers ma Californie d’adoption convaincue que la qualité paie quand même et qu’il y a un créneau pour nous tous, traducteurs sérieux et attachés au travail bien fait.

Saint-Jérôme, Patron des traducteurs, priez pour nous !

November 16, 2009

2009 ATA conference: FLD photo highlights


 
 
 
Manon K. wins a Kindle from R.R. Donnelly

November 12, 2009

Merci à tous

Un grand merci à tous pour vos commentaires très positifs sur les sessions de l'ATA, à l'occasion de la dernière conférence à New York. Nous avons eu la grande chance cette année d'avoir neuf (9) sessions formidables avec la FLD et je tiens à remercier tous les présentateurs pour la grande qualité de leurs exposés, leur énergie et la passion avec laquelle ils ont su nous faire partager leur savoir. La conférence n'aurait pas été aussi réussie sans eux !

(Merci Grant Hamilton, Frédéric Houbert, Betty Howell, François Lavallée, Maite Aragones Lumeras et Laurie Treuhaft pour l'excellence de vos présentations !)

Un grand merci également aux bénévoles qui ont organisé les repas, j'aimerais citer en particulier : Anne Vincent, Bob Killingsworth, Karen Tkaczyk, Larry Schoffer, Jean Lachaud et Eve Bodeux. Grâce à eux, nous avons tous eu la possibilité de nous retrouver entre francophones, malgré l'emploi du temps très serré de la conférence et de goûter à quelques-uns des nombreux délices culinaires de New York !

Enfin, un grand merci à tous les participants et notamment à tous ceux qui nous aident à nous améliorer en nous donnant un feedback constructif, en devenant bénévole, ou simplement en nous encourageant dans la bonne direction. À ce propos, j'en profite pour remercier aussi Mylène Vialard, administratrice-adjointe de la FLD, pour son soutien sans faille et pour vous encourager à consulter notre blog et à y partager votre expérience de la conférence.

Excellente semaine à tous, où que vous soyez de par le monde ! (De New York à Nouméa, en passant par Montréal, Québec, Paris, Lyon, Genève, Johannesbourg et Kuala Lumpur !)

Très cordialement,
Virginia K. Fox
Administratrice de la FLD
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November 10, 2009

Conference session review: “Translating Government/Administrative French>English” (preconference seminar Q) by Grant Hamilton

Review by Jenn Mercer (seminar announcement here)

Grant Hamilton’s seminar on translating government/administrative French>English documents took place the day before the official start of the 50th ATA Conference, but that did not seem to hurt attendance. There were around 30 translators in attendance and the audience grew as the talk went on. Fortunately for those who arrived late (including myself), Hamilton’s seminar had a simple structure and it was easy to jump right in.

The seminar was designed around a handout which divided examples into various categories containing two to seven exercises each.  These categories included “Slippage in Style and/or Meaning,” “Overly Literal Translation,” “Overreliance on Nouns,” “Words Could Have Been Removed, But Weren’t” and “Say What?” Hamilton started with a French phrase, provided a draft translation into English, and then opened the discussion by asking specific questions.  Hamilton also encouraged the translators to work on their own translations of the sentences. He then revealed his improved version of the translation.

The discussion which ensued was lively and instructive. Different solutions were presented, but also different translation philosophies. Hamilton listed “devotion to readability” as one of his key goals for the day and advised attendees that “we have to assume someone has a message for somebody.” Hamilton said that “you as a translator, having already made this effort [to understand this message], owe it to readers to simplify the sentence on their behalf.”  This statement and similar comments were made in the context of bureaucratic documents provided to ordinary citizens, however one participant pointed out that this level of freedom would not be possible when translating legal documents.

Hamilton is also to be commended on his bravery in putting forth both the draft and “possible” translations in front of such a large crowd of intelligent and eager translators. Despite the fact that the revised translations were a definite improvement on the originals, there were still some errors to be found. Only a few of these were clear-cut examples of right and wrong. For the most part, these disagreements reflected the real difficulties of translation where there are as many right answers as there are wrong ones. These disagreements and the discussions which they produced would have been enough to make this seminar worth attending. Another priceless benefit was the opportunity to commiserate on the level of bureaucratese present in these documents. Hamilton put it best when he said “this kind of text – you just want to cry when you see it.” I have certainly had this feeling myself and judging by the laughter of the audience, I was not the only one.

Due to Hamilton’s detailed preparation, the benefits of this seminar continued well after the seminar itself was over. Hamilton passed out a second handout at the end of the session which contained the text of the improved solutions along with his comments. This was convenient, but there were a few unexpected bonuses at the end of the handout. These included a list of 37 alternate translations for the French word “structurant” as well as a “Translator’s Checklist.” This checklist contained basic questions such as “Can any words be removed?” and “Can I say things in a simpler way?” As if this were not enough, the participants of both of Hamilton’s sessions received PDF’s of this document, plus a few extras such as a handy guide entitled “When you see the word...” This last guide contained examples such as “When you see... accessible, Ask yourself whether you should say... accessible, affordable, available.” All of the checklists and guides which Hamilton provided showed a consistent strategy of looking beyond the surface complications of French bureaucratic texts to deliver clear, and yet faithful, English translations.

This pre-conference seminar was the first one which I attended at this, or any, ATA event. I found it to be informative, but more than that, it was a great introduction to the joy of discussing translation issues with people who really love words. I would like to thank not only Grant Hamilton for his excellent presentation, but also my fellow translators who were so dedicated to finding the absolute best translation.
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November 8, 2009

Conference session review: "La versification classique au XXIe siècle, ou le carcan au service de l'expressivité" (session F8) by François Lavallée

Session review by Anne Vincent (read the session description here).

J’avais hésité à inclure cette présentation dans mon programme, en raison de son caractère « littéraire », et donc peut-être moins pratique, mais j’avais tellement apprécié l’exposé précédent de François Lavallée (« Les slogans, j’en fais mon affaire ! ») que j’ai décidé d’aller l’écouter nous parler de la versification en français.
En tout cas, je ne craignais pas d’avoir affaire à un cours magistral, ou à la lecture ânonnée de notes écrites : François a une longue habitude des séminaires et de la formation des traducteurs et il est si épris de son sujet qu’écouter l’un de ses exposés me donne l’impression d’assister à l’une de ces démonstrations passionnées entendues lors d’une discussion entre amis.

Car c’est bien de passion dont il s’agit : dans son introduction, François explique qu’il ne s’est jamais remis de la lecture de Racine, et qu’il façonne alexandrins et autres polysyllabes harmonieux depuis le lycée. Après un rappel sur la manière de compter les syllabes, courtes ou longues, peu importe, il suffit de prêter attention au ‘e’ muet, François donne divers exemples  d’utilisation, d’interaction et de juxtaposition des différents types de vers. Saviez-vous que la longueur de l’alexandrin lui permet de présenter thèse et antithèse  (« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ») ? Ou que l’alternance d’alexandrins et d’octosyllabes peut réveiller un texte ? (« Et quand vous dénichez,/À coups de malveillance et de mots répétés,/Notre âme épouvantée,/On crie, on se débat, sans même se douter/Qu’on se monte un bateau »). On peut encore opposer deux syllabes percutantes (« Du vent ») en réponse à un alexandrin (« C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ? »).
Après des considérations au sujet des rimes, pauvres ou riches, plates, croisées, ou plus simplement embrassées, il aborde ensuite l'harmonisation entre rime et vers :

(« Tout le monde n’est pas de la même famille.
Enfin, que dirait-on
En voyant un ballon
Amoureux d’une aiguille ? »)

Ce que je ne peux rendre ici, c’est le dialogue constant entre François et son auditoire, tandis qu’il nous met au défi de retrouver l’auteur du plus traduit des alexandrins (plus de 105 langues !), « Je suis mon cher ami, très heureux de te voir », tout en ajoutant que, pour lui,  le plus bel alexandrin est sans doute celui que prononce Phèdre, « Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire ». Il mêle extraits de Racine, vers de La Fontaine, citations de Brel et de Brassens et la lecture de plusieurs de ses propres fables, dont la très joyeuse, plaisante et récréative histoire du Cheval vert dont le joual eût séduit Rabelais. Pour conclure, François nous rappelle (car on a bien dû nous le dire au cours de cette éducation si classique dispensée à notre adolescence insouciante ?) que seul le français versifie ainsi, alignant magnifiquement rythme et rimes dans une architecture semblable à celle des jardins à la française.

Et le rapport entre la versification classique et la traduction ? Si l’on considère que la versification est un carcan, imposant de modeler une histoire ou une passion à l’aune de règles bien précises, la traduction n’est guère différente, qui nous demande de reprendre le texte d’un autre et de le rendre précisément tout en le pliant aux canons imposés par la grammaire, le style, le registre et quelquefois les exigences absurdes de clients hélas rois. Plus simplement tout exercice de langue, tout jeu de mots, toute activité modulant l’écriture peuvent être considérés comme un entraînement à la traduction.

(Remarque : allez donc rechercher dans le Racine de votre bibliothèque ce qui désespère Phèdre à ce point, et vous constaterez que vous avez peut-être vous-même été victime de ce qui l’afflige, lui nuit et conspire à lui nuire !)
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